Résumé
Cette enquête a permis d'apprécier le positionnement individuel, social et politique des Français par rapport à l'environnement en 1992.
__________
L'environnement est devenu l'objet d'un débat politique et scientifique intense, avec la reconnaissance, depuis une trentaine d'années, de l'importance des risques écologiques qui menacent notre planète : dégradation du milieu naturel, épuisement des ressources en terre, en eau ou en forêts, pollutions en tous genres, parfois catastrophiques (Tchernobyl, marées noires…), réchauffement de la planète, accroissement du volume des déchets non traités, augmentation rapide des quantités d'eau usée non recyclée, etc.
Dans le même temps sont intervenus de profonds changements des modes de vie dans les sociétés industrielles, plus soucieuses de la qualité du cadre de vie, plus sensibles à la nature, aux paysages, à la faune, à la flore, à la préservation d'espaces vierges de toute présence humaine.
Tout se passe donc comme si nos sociétés prenaient conscience de l'influence qu'exercent les groupes humains sur la biosphère. Mais en est-il vraiment ainsi ? Que pensent réellement les individus de l'environnement et des problèmes liés à sa préservation ?
C'est à ces questions qu'a tenté de répondre en 1991 l'enquête "Espaces de vie et environnement", effectuée par l'Ined auprès d'un échantillon représentatif de la population française.
Cette recherche était, à bien des égards, pionnière, car les représentations de l'environnement étaient mal connues. On ne disposait, à cette époque, que d'informations qualitatives ou de données fragmentaires sur la perception des nuisances liées aux bruits, au gaz d'échappement, aux déchets, sur la conscience des risques encourus, sans pouvoir établir de lien entre les opinions et les pratiques. Cette enquête, en collectant de nombreuses informations sur les opinions et attitudes relatives à l'environnement, a permis de dresser un tableau d'ensemble et en particulier d'apprécier comment s'est développée la "conscience écologique" des Français.
Plusieurs idées fortes ont ainsi émergé.
L'environnement est étroitement associé à l'idée de nature, mais d'une nature dont l'homme fait partie, socialisée et proche des personnes interrogées, qui ignorent largement la dimension planétaire du concept. L'opinion s'est révélée relativement sensibilisée aux problèmes liés à l'environnement, mais ceux-ci ne constituent pas une préoccupation majeure, comme l'emploi ou les revenus. D'ailleurs les résultats montre que, s'il fallait choisir entre la poursuite du progrès technique et économique et la préservation de l'environnement, les personnes interrogées se prononceraient nettement pour le premier terme de l'alternative, et d'autant plus que leur situation personnelle est précaire.
L'enquête abordait bien d'autres sujets, tels que la crainte des conséquences sanitaires des perturbations de l'environnement, l'opinion sur la concentration urbaine, la pollution de l'air, de la terre et de l'eau, etc. Sur tous ces thèmes, la cohérence des réponses est à bien des égards exemplaire, mais elles révèlent le manque de formation de la population, ainsi que la suspicion liée à l'absence d'information indépendante et de réel débat dans la communauté politique française.
En définitive, cette enquête a révélé un divorce profond entre le langage des spécialistes et celui des citoyens, dans un domaine au coeur de la gestion de la cité. Il était donc possible de conclure qu'en France, à l'époque, parler de citoyenneté écologique était encore prématuré.