Titre
Mobilité géographique et insertion sociale (1992)
Résumé
MGIS une enquête de grande envergure qui a étudié les conditions de vie des immigrés et de leurs enfants résidant en France, en abordant des thèmes aussi variés que le logement, la famille, l'emploi, les revenus, l'entrée en France...
__________
Même si de nombreux chercheurs en ont fait aujourd'hui leur spécialité, le phénomène migratoire a longtemps souffert d'une absence de reconnaissance comme domaine de recherche à part entière des sciences sociales, et probablement encore plus dans les branches les plus "dures" de la démographie et surtout de la statistique. Les flux migratoires ont longtemps été considérés par les statisticiens avant tout comme un outil d'évaluation du solde migratoire servant à la mise à jour de la population de la France. Les populations qui s'installaient en France à la suite de cette immigration étaient alors traitées comme une sous-catégorie de population, un groupe social, celui de la population étrangère.
Cet abord de la question de l'immigration comme sous-produit de recherches plus vastes a caractérisé longtemps l'organisation de la collecte et de l'exploitation, même si elle a fait le bonheur de chercheurs qui avaient à coeur d'étayer leurs travaux sur des bases solides. Ce statut de sous-produit n'a pas facilité la réflexion sur les spécificités du phénomène migratoire, sur les concepts pertinents, et donc sur la nécessité de mettre en oeuvre des outils adaptés.
Du point de vue de l'observation statistique, l'immigration étrangère en France n'avait donc pas, jusqu'à 1992, constitué une priorité.
La nécessité de mener une grande enquête sur les conditions de vie des immigrés et de leurs enfants nés en France est apparue évidente à l'Ined vers le milieu des années 80. A cette époque, l'institut avait entamé un gros travail sur la mesure de l'apport démographique, qui permettait de prendre conscience encore plus clairement de l'inadéquation des données habituellement collectées. Les analyses secondaires à partir d'enquêtes générales de l'INSEE ou celles menées à partir des données de recensement ou d'état civil, si elles apportaient des informations inédites, laissaient beaucoup trop de questions pendantes.
Il est alors apparu qu'il ne suffirait pas d'aménager des enquêtes existantes comprenant un sous-échantillon d'étrangers, pour obtenir les informations pertinentes. Même en introduisant le pays de naissance, les enquêtes générales présentaient l'inconvénient de ne pas prendre en compte les informations sur les conditions de la migration, et de ne pas penser les questions par rapport au phénomène migratoire. Par ailleurs, la taille de l'échantillon requise était très supérieure à celles généralement fournie par les sous-échantillons des enquêtes généralistes de l'INSEE, a fortiori de l'Ined, en raison de la nécessité de prendre en compte la grande hétérogénéité de la population immigrée en fonction du pays de naissance.
L'ampleur des lacunes rendait indispensable une opération de collecte spécifique. L'Ined a donc choisi de réaliser une enquête de grande envergure sur les conditions de vie des immigrés et de leurs enfants résidant en France, appelée "Mobilité géographique et insertion sociale". Elle visait à apporter les éléments de base indispensables à toute recherche sur l'assimilation de ces populations, ce qui nécessitait d'aborder dans une même enquête des thèmes aussi variés que le logement, la famille, l'emploi, les revenus, l'entrée en France... Elle a été menée grâce au concours de l'INSEE (tirage de l'échantillon, collecte, relecture, chiffrement, saisie des questionnaires, constitution de la base de données). La mise en place, la gestion et le suivi de l'enquête ont aussi été assurés en collaboration avec la cellule "étrangers" de l'INSEE.
Cette enquête s'est distinguée des sources habituelles à plusieurs égards. Premièrement, elle a porté sur des immigrés, c'est à dire des personnes de nationalité étrangère à leur arrivée en France et la génération suivante, celle des personnes d'origine étrangère nées en France. A des fins de comparaisons, un échantillon représentatif de la population française a été ajouté aux deux précédents.
Deuxièmement, elle s'est distinguée par sa méthode de sondage (aléatoire et non par quotas). Enfin, elle a livré une analyse dynamique avec une profondeur temporelle. Parce que l'assimilation est un processus, le temps était un paramètre essentiel à prendre en compte. Une photographie des conditions de vie des immigrés à la date de l'enquête, pour utile qu'elle soit, n'aurait pas été très éclairante à l'égard des processus d'intégration des immigrés sur des vagues migratoires successives ne se ressemblant pas (en particulier par l'origine géographique). L'enquête a donc été rétrospective, c'est-à-dire qu'elle a retranscrit l'histoire des individus et a permis de suivre leurs trajectoires. L'accent mis sur les aspects biographiques a amené à privilégier les informations factuelles par rapport aux opinions.
Procédure d'échantillonnage
Probabiliste : multi-étapes
Le recensement de 1990, disponible en 1992, a servi de base de sondage (un échantillon au 1/20ème des logements recensés ayant fourni la base de l'enquête). Le plan de sondage était constitué de trois échantillons distincts, représentant un échantillon global de 17500 personnes :
-Un échantillon "IMMIGRES" (en ménage ordinaire mais aussi en foyer) = 12400 immigrés ;
Pour étudier le processus d'intégration des immigrés, il fallait du recul : l'histoire des immigrés récemment arrivés aurait peu apporté à l'enquête. Il était donc efficace de les écarter. Mais la date d'entrée en France ne faisait pas partie des informations demandées au recensement : la solution a donc été de sélectionner un nombre limité de pays de naissance correspondant à des vagues migratoires suffisamment anciennes.
L'enquête a reposé sur l'hypothèse de comportements hétérogènes entre communautés immigrées (c'est-à-dire selon le pays de naissance). Cela a imposé de disposer d'un échantillon important pour chacune d'entre elles. Malheureusement, les contraintes budgétaires n'ont pas permis de retenir l'ensemble des pays d'origine. Sept pays ou groupes de pays représentant près de 60% de la population immigrée ont donc été choisis : l'Algérie, l'Espagne, le Maroc, le Portugal, la Turquie, l'Afrique Noire et le Sud Est Asiatique (Cambodge, Laos et Viêt-nam). Pour les mêmes raisons, le champ de l'échantillon d'immigrés a été limité en terme d'âge : les immigrés d'Algérie, du Maroc, du Portugal et de Turquie choisis avaient entre 20 et 59 ans, ceux d'Espagne entre 25 et 59 ans et ceux d'Afrique Noire et du Sud-Est Asiatique entre 20 et 39 ans.
Pour les immigrés vivant en ménage ordinaire, le sondage en lui-même, stratifié par pays de naissance et degré d'urbanisation, a été réalisé au premier degré dans les agglomérations d'au moins 50 000 habitants (75% de l'échantillon). Ailleurs, pour réduire la dispersion géographique de l'échantillon, l'INSEE a procédé à un sondage à deux degrés : deux départements par région ont été tirés (avec des probabilités proportionnelles au nombre d'immigrés).
Pour les immigrés vivant en foyer, 150 ressortissants de chacune des trois communautés les plus présentes parmi les foyers (Algériens, Marocains et "Maliens-Sénégalais") ont été interrogés. L'Ined a procédé au tirage au sort des foyers (selon une liste du Ministère des Affaires Sociales et proportionnellement au nombre de lits) et des résidents à enquêter (d'après une liste des résidents fournie par les centres de gestion des foyers). Les restrictions d'âge selon le pays d'origine ne s'appliquait pas aux immigrés en foyer.
-Un échantillon de jeunes NES EN FRANCE d'origine étrangère = 2500 jeunes ;
Une mesure de l'intégration des immigrés sur plusieurs générations requérait l'interrogation d'un échantillon d'enfants d'immigrés nés en France. Cet échantillon a été le plus difficile à constituer. L'Echantillon Démographique Permanent (EDP) de l'INSEE a fourni une solution partielle (mais non renouvelable) : ce fichier est constitué par empilement des bulletins de recensement successifs pour 1/100ème de la population. Ainsi, l'EDP repérait au domicile parental en 1975 des enfants nés en France de père immigré et fournissait leur adresse au recensement en 1990.
Pour l'enquête, les générations déjà atteintes par les mariages précoces des filles en Algérie et celles d'effectif trop faible ont été écartées. N'ont donc été conservé que des jeunes âgés de 20 à 29 ans au 31 décembre 1992 originaires d'Algérie, d'Espagne ou du Portugal.
L'EDP estimait à 334000 les jeunes nés entre 1963 et 1972 vivant en 1975 avec un chef de famille immigré originaire de l'un de ces 3 pays, soit un échantillon potentiel de 3340 enquêtés. 2768 d'entre eux ont été localisés au recensement de 1990. Les 572 autres avaient émigré, décédé, échappé au recensement ou été victimes d'une erreur d'appariement. L'efficacité de cette procédure d'échantillonnage était incertaine, aussi l'échantillon potentiel a été conservé dans sa totalité. La perte au recensement de 1990 s'est trouvée limitée (17%) et l'efficacité de la filière assez homogène entre pays. L'INSEE a, en effet, pu réaliser 1956 interviews.
-Un échantillon représentatif de la population de la France entière, dit "TEMOIN" = 2600 personnes "témoins" ;
La condition des immigrés ne pouvait être appréciée que par comparaison à celle des Français de souche, plus précisement de Français homologues. Mais il aurait été illusoire de chercher à constituer un échantillon témoin de structure sociale ou démographique identique à celle des échantillons immigrés, aussi a-t-on laissé l'analyse démographique et statistique neutraliser l'effet de ces structures différentes. En définitive, une taille d'échantillon témoin comparable à celle des sous-échantillons d'immigrés a simplement été choisie.
La population de l'échantillon témoin est constituée de résidents âgés de 20 à 59 ans, majoritairement Français de souche. Les logements ont été tirés de l'échantillon-maître de l'INSEE. Le sondage a été simplifié en ne retenant que les résidences principales de 1990 hébergeant au moins une personne concernée par l'enquête (générations 1933-1972). C'est ainsi que 43% des logements a été écarté, ne présentant que rarement un éligible en 1992.
Lorsqu'à l'enquête, le ménage comprenait plusieurs éligibles, un seul d'entre eux était désigné au sort selon la procédure dite de Kish. Mais ainsi, le nombre inégal d'éligibles par ménage induisait des probabilités inégales d'inclusion dans l'échantillon. Elles ont été compensées par avance en sondant à un taux double les ménages comprenant déjà plusieurs éligibles au recensement de 1990. 2456 logements ont été tirés (Corse exclue).