Titre
Le niveau intellectuel des enfants d'âge scolaire (1944), Une enquête nationale dans l'enseignement primaire
Résumé
En 1944, les progrès de l'enseignement en France, son caractère d'obligation, le recul progressif de l'âge de la scolarité, soulevaient des questions de plus en plus complexes. Sans évoquer les problèmes de financement et d'organisation, de formation et de recrutement des maîtres, une question préalable se posait tous les jours davantage : dans quelle mesure tous les enfants sont-ils aptes à suivre avec profit un enseignement uniforme ? Notamment, ceux dont les capacités naturelles sont inférieures, ou qui, pour toute autre cause, sont retardés dans leur développement, ne relèvent-ils pas d'une instruction spéciale ?
Les progrès de la psychologie expérimentale avaient permis, dans une certaine mesure, le dépistage des déficients. L'échelle métrique de l'intelligence, conçue par Binet et Simon au début du XXème siècle, permettait, en effet, de classer les enfants d'après leur niveau mental. Une loi de 1909 avait créé les classes de perfectionnement, mais en raison des circonstances et en particulier du trouble grave apporté à la vie nationale par la guerre de 1914-1918, elle ne put être intégralement appliquée, de sorte que le développement des établissements spéciaux pour enfants anormaux fut plus lent que le législateur ne l'avait souhaité. C'est ainsi qu'en 1937, 4.000 enfants français seulement fréquentaient ces différents établissements ; chiffre évidemment très inférieur au chiffre réel des enfants qui avaient besoin d'une éducation spéciale.
L'effort accompli par la France dans ce sens restait donc très limité ; bien d'autres pays l'avaient distancée.
Il fallu attendre 1936 pour que le problème soit abordé dans son ensemble. Le Ministre de la Santé Publique, M. Henri Sellier, avait alors rassemblé, sous la présidence du Pr Wallon, une commission de l'enfance déficiente et en danger moral, qui devint vite interministérielle, à la demande du Pr Georges Heuyer. Elle préparait un projet de loi, véritable statut de l'enfance déficiente et en danger moral, et jetait, en outre, les bases d'une enquête nationale, destinée à dénombrer et à localiser les enfants déficients. Malheureusement, les circonstances ne leur permirent pas de réaliser ce dessein.
L'idée fut reprise en 1943 par Me Decugis et le Pr Heuyer. Cette fois, l'Institut National d'Etudes Démographiques put mener à bien l'enquête, sous la conduite du Dr René Mande, médecin des hôpitaux de Paris. Ses buts étaient multiples, puisque l'enquête se proposait :
-d'évaluer le nombre des sujets mentalement déficients et socialement récupérables et de fournir tous les éléments d'appréciation nécessaires, quant à leur récupération, à la nature et à l'amplitude des mesures pratiques à prendre à cet égard ;
-de déterminer la valeur mentale du capital humain représenté en France, par les enfants d'âge scolaire de 6 à 14 ans ;
-de réunir un matériel d'études statistiques et de recherches fournissant les éléments de corrélations pathologiques, anthropologiques et sociologiques, nécessaires aux sciences de l'homme travaillant sur de grandes séries.